Politique d’intégration : nos dirigeants sont-ils des tricheurs ?

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Le Figaro du 6 septembre analyse un rapport sénatorial qu’il a pu consulter avant sa publication officielle. Son auteur, Roger Karoutchi, sénateur Les Républicains, dénonce l’échec de la politique d’intégration des étrangers.

Rappelons tout d’abord cet alinéa de la loi du 7 mars 2016 : "L'étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans révolus et qui souhaite s'y maintenir durablement s'engage dans un parcours personnalisé d'intégration républicaine visant à favoriser son autonomie et son insertion dans la société française." La signature d’un contrat d’intégration républicaine (CIR) remplace donc l’ancien contrat d’accueil et d’intégration (CAI) instauré sous le mandat de Nicolas Sarkozy. En sont dispensés des étrangers ayant fait un temps d’études dans un établissement français ou les ressortissants européens.

Après un entretien individuel, le postulant se voit prescrire une formation civique obligatoire et une formation linguistique. Le suivi assidu de ces deux formations est une condition nécessaire pour obtenir la nouvelle carte pluriannuelle de séjour créée par la loi. Du sérieux, apparemment !

Le problème, c’est que cette formation est trop souvent inefficace et que les défaillances des étrangers concernés ne sont pas sanctionnées. Selon le rapporteur, la réforme instaurée par François Hollande était censée "créer un parcours davantage individualisé et mieux relié à la politique de délivrance des titres de séjour". En fait, la loi n’a apporté aucune amélioration. Roger Karoutchi accuse : "On a inventé une formation alibi qui se retourne contre l’impératif d’une intégration réussie."

On pourrait penser que ce jugement n’est pas totalement impartial, compte tenu de l’appartenance politique du rapporteur. Mais il en apporte des preuves qui paraissent irréfutables : même ceux qui n’ont pas le niveau minimal requis en français obtiennent des papiers. Le moindre progrès ouvre la porte à un titre pluriannuel de séjour.

Quant à l’évaluation de la formation civique, elle n’est pas individuelle, mais collective, à travers une "séquence d’interactivité" pour remplir un "questionnaire de groupe". On croyait l’excès d’indulgence, l’obsession du travail en équipe et le jargon pédagogique réservés à notre système éducatif : les immigrés y ont droit aussi !

L’élu LR met en cause, outre ce laxisme et le coût excessif de ces formations au regard des résultats atteints, leur durée insuffisante et l’inadéquation de ses contenus : "Peut-on sérieusement parler de Jeanne d’Arc, de Domrémy à des Soudanais fraîchement arrivés en France qui ne comprennent pas un traître mot de ce que l’on leur expose ?" écrit-il avec ironie. Il donne en exemple des pays voisins, comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, où la formation est plus solide et de véritables examens terminaux organisés.

Ce qui n’empêche pas les autorités de tomber dans l’autosatisfaction et de se féliciter. Il faudra, à partir du 7 mars 2018, atteindre le niveau A2, plus élevé, pour pouvoir se faire délivrer une carte de résident : "Avec ce niveau, la France se rapproche des standards européens et favorise l’autonomie des étrangers dans notre société, et notamment l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle." On aimerait qu’une telle sollicitude accompagnât les citoyens français exclus de notre société !

Une fois de plus, sous de belles paroles, le gouvernement dissimule son impuissance et son impéritie. Ce n’est pas en s’illusionnant lui-même qu’il atteindra l’objectif visé : permettre une intégration réussie des étrangers.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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